Courir pour un ami
Il y a 6 mois un pote, Christophe, me dit : je fais le marathon de Mont St Michel en mai.
Tout d’abord surpris, je lui réponds du tac au tac : je t’accompagne jusqu’au bout. C’était le minimum que je pouvais faire face à une telle détermination. En effet, après quelques années un peu difficiles, Christophe s’est métamorphosé durant cette année. Et c’est avec un sentiment de revanche envers la vie qu’il s’aligne ce 17 Mai à Cancale.
Je le sens tendu, j’essai de lui transmettre un peu de mon expérience de 10 marathon couru ces dernières années : « ne t’inquiète pas, on va se le gérer à la ti’gros ce marathon ».
9H, nous voilà partis et comme par enchantement, les averses du matin ont laissé place à un soleil radieux.
Les premiers kilomètres jusqu’au semi couru en 1H55 se passe merveilleusement bien. Armé de mes deux gourdes, comme un véritable saint-bernard je m’occupe des ravitaillements. Christophe est bien, il vit pleinement ce moment de partage.
La suite se complique, un seul semi d’entrainement durant ces 3 derniers mois est un peu juste et les jambes se font lourdes. Le rythme ralenti en dessous des 10km/h. Ce n’est pas grave, je lui parle.
Cela devient de plus en plus dur, alors me vient l’idée d’appeler nos femmes après le 30ème kilomètres ; Isa me dit qu’elles sont là à l’arrivée armées de nos 7 fils (3 pour moi et 4 pour lui !!!)
Je raccroche et dit à Christophe : « maintenant mon Cricri tu n’as qu’une chose à faire c’est visualiser l’arrivée où t’attendent ta petite femme et tes 4 fils. Tu te rends compte, après tout ce que vous avez traversé, le regard qu’ils auront sur toi » A ce moment je vois Christophe submergé par l’émotion et je me revois 9 mois plus tôt autour du Mont-Blanc où la seule idée de passer la ligne avec ma famille m’a fait soulever des montagnes.
Je l’envie presque car je sais que des moments comme ça sont rares. Oui, encore un fois je comprends pourquoi je cours : pour des instants comme ça, des moments de partage.
Bon mon Christophe, il reste 8 kilomètres pas très drôle et ensuite on passe le Couesnon et après c’est que du bonheur : 4 kilomètres droit sur le Mont comme une arrivée du tour où la foule t’acclame.
Mes ces 8 kilomètres entre le 30 et le 38 vont être longs. Christophe est contraint de marcher, de se faire masser au 35ème. Puis enfin le 38ème kilomètre arrive et ce que j’avais prédit arrive. Il retrouve des jambes et se remet à courir.
« Aller mon Cricri, souviens toi il y a un an » .L’émotion le submerge à nouveau, et moi aussi je sens de petites larmes poindrent. Sur le bord de la route, un type a une crampe, je m’arrête afin de lui venir en aide. Pendant 1 minute je suis à tirer sur la jambe de ce type que je ne connais pas et que je ne reverrai plus jamais et je suis heureux.
Je repars en volant à plus de 13 km/h, ça fait du bien. Beaucoup me regarde comme un ovni, je m’excuse presque de les doubler avec autant de facilité mais c’est avec mon pote que je veux finir ce Marathon. Je le rejoins à 2 kilomètres de l’arrivée.
Puis viens l’arrivée où nos troupes nous attendent. Bien sur, nous nous arrêtons, le speaker félicite Christophe qui embrasse sa femme qui tout en l’embrassant donne le sein à son dernier.
Le speaker m’engueule : « il faudrait peut-être passer la ligne ».Je lui répond qu’on est là pour profiter. On a bien le temps de la passer. On essaie de retenir l’instant si fugace du bonheur total.
Puis main dans la main, nous passons la ligne d’arrivée en 4H10, nous tombons dans les bras. Tout simplement heureux.
Merci Christophe de m’avoir fait partager ton premier Marathon. De m’avoir emporté dans ta détermination, dans ton émotion. Ce fût l’un de mes plus beaux souvenirs de course à pieds où le chrono n’avait aucune importance et que seul le partage remplissait l’instant.
C’est ça la course à pieds.